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COLLOQUE LA DECROISSANCE SOUTENABLE
Lyon les 26-28 septembre 2003 La décroissance comme préalable et non comme obstacle à une société conviviale. Par Serge Latouche, objecteur de croissance, Professeur émérite de l'Université de Paris-Sud "Car ce sera une satisfaction parfaitement positive que de manger des aliments sains, d'avoir moins de bruit, d'ètre dans un environnement équilibré, de ne plus subir de contraintes de circulation, etc." Jacques Ellul George W. Bush déclarait le 14 février 2002 à Silver Spring devant l'administration de la météorologie que "parce qu'elle est la clef du progrès environnemental, parce qu'elle fournit les ressources permettant d'investir dans les technologies propres, la croissance est la solution, non le problème". Cette position "pro-croissance" est largement partagée dans le fond par la gauche y compris les altermondialistes qui considérent en outre que la croissance est aussi la solution du problème social en créant des emplois et en favorisant une répartition plus équitable. Le chroniqueur écologique de Politis a été récemment poussé à la démission. Le débat qui s'en est suivi est révélateur du malaise de la Gauche. La vraie raison du conflit, écrit un lecteur, est sans doute d'"oser aller à l'encontre d'une sorte de pensée unique, commune à presque toute la classe politique franaise, qui affirme que notre bonheur doit impérativement passer par plus de croissance, plus de productivité, plus de pouvoir d'achat et donc plus de consommation". Comme le conclut Hervé Kempf qui rend compte de l'incident : "Cette gauche peut-elle accepter de proclamer la nécessité de réduire la consommation matérielle, un impératif qui reste au coeur de l'approche écologique ? " Après quelques décénnies de gaspillage frénétique, il semble que nous soyons entrés dans la zone des tempètes au propre et au figuré... Le dérèglement climatique s'accompagne des guerres du pétrole, qui seront suivis de guerres de l'eau, mais aussi de possibles pandémies, de disparitions d'espèces végétales et animales essentielles du fait de catastrophes biogénétiques prévisibles. Dans ces conditions, la société de croissance n'est ni soutenable, ni souhaitable. Il est donc urgent de penser une société de "décroissance" si possible sereine et conviviale. La société de croissance n'est ni soutenable, ni souhaitable. Pour cerner ce que pourrait ètre une société de décroissance, il convient d'abord de définir ce qu'est la société de croissance. "L'idée moderne de croissance, selon Henry Teune, a été formulée il y a environ quatre siècles en Europe, quand l'économie et la société ont commencé à se séparer". Mais, ajoute justement Takis Fotopoulos, il n'empèche que "l'économie de croissance elle-mème (définie comme le système d'organisation économique orienté, soit objectivement, soit délibérément vers la maximisation de la croissance économique) est apparue bien après la naissance de l'économie de marché du début du XIXème siècle et ne s'est épanouie qu'après la Seconde Guerre mondiale". C'est-à-dire au moment où l'Occident (à travers le Président Truman...) lanait le mot d'ordre et l'entreprise du développement. La société de croissance peut ètre définie comme une société dominée par une économie de croissance et qui tend à s'y laisser absorber. La croissance pour la croissance devient ainsi l'objectif primordial sinon le seul de la vie. A. Une telle société n'est pas soutenable pour au moins quatre raisons : Elle dépasse la capacité de charge de la planète, Elle se heurte aux limites de la finitude de la biosphère, Les progrès de l'ecoefficience que ses partisans mettent en avant pour tenter de la sauver se trouvent toujours dépassés par la logique de la croissance elle-mème, La substituabilité de l'artefact à la nature postulée par les économistes orthodoxes est restreinte. 1) Elle dépasse la capacité de charge de la planète. Une chose para"t acquise, désormais : Notre surcroissance économique dépasse déjà largement la capacité de charge de la terre. Bien loin d'ètre le remède aux problèmes sociaux et écologiques qui déchirent la planète, le développement économique constitue la source du mal. Il doit ètre analysé et dénoncé comme tel. Mème la reproduction durable de notre système prédateur n'est plus possible. Si tous les citoyens du monde consommaient comme des Américains ou mème des Européens moyens les limites physiques de la planète seraient largement dépassées. Si l'on prend comme indice du "poids" environnemental de notre mode de vie "l'empreinte" écologique de celui-ci en superficie terrestre nécessaire, on obtient des résultats insoutenables tant du point de vue de l'équité dans les droits de tirage sur la nature que du point de vue de la capacité de régénération de la biosphère. En prenant en compte, les besoins de matériaux et d'énergie, ceux nécessaires pour absorber déchets et rejets de la production et de la consommation et en y ajoutant l'impact de l'habitat et des infrastructures nécessaires, les chercheurs travaillant pour le World Wild Fund (WWF) ont calculé que l'espace bioproductif par tète de l'humanité était de 1, 8 hectare. Un citoyen des ƒtats-Unis consomme en moyenne 9, 6 hectares, un canadien 7, 2, un européen moyen 4, 5. On est donc très loin de l'égalité planétaire et plus encore d'un mode de civilisation durable qui nécessiterait de se limiter à 1, 4 hectare, en admettant que la population actuelle reste stable. On peut discuter ces chiffres, mais ils sont malheureusement confirmés par un nombre considérable d'indices (qui ont d'ailleurs servi à les établir). Ainsi, pour que l'élevage intensif fonctionne en Europe, il faut qu'une surface pour ce qu'on appelle des "cultures en coulisses" équivalant à sept fois celle de ce continent soit employée dans d'autres pays à produire l'alimentation nécessaire aux animaux ainsi élevés sur un mode industriel. Le citoyen du Nord consommait en 1992 en moyenne trois fois plus de céréales et d'eau potable, cinq fois plus d'engrais, dix fois plus de bois et d'énergie, quatorze fois plus de papier, dix-neuf fois plus d'aluminium que le citoyen du Sud. Les rapports de consommation comparée d'énergie et de rejets de gaz à effet de serre sont encore plus flagrants. "Si nous faisons les calculs, remarque Franois Schneider, cela signifie qu'il nous faudra douze planètes si nous les voulons viables à long terme". Les économistes passent le plus souvent la question sous silence, mais peu ont le front de soutenir que l'ordre écologique mondial engendré par l'économie libérale est équitable. Certes au début des années 90, Lawrence Summers, vice-président de la Banque mondiale, puis secrétaire au Trésor sous la présidence de Clinton, affirmait que " les ressources de la Terre n'ont pas de limitesÊqui pourraient devenir contraignantes dans un futur prévisible. Il n'y a pas de risque d'apocalypse due au réchauffement de la Terre, ni rien de semblable. L'idée que le monde est au bord du gouffre est une erreur fondamentale ; l'idée que nous devrions limiter la croissance à cause d'une quelconque limite naturelle est une grave erreur qui, si elle devait avoir de l'influence, aurait d'immenses coéts sociaux". Il n'allait toutefois pas jusqu'à prétendre que l'usage des ressources naturelles correspondait à la justice. Nous n'avons qu'une quantité limitée de forèts, d'eau, de terre. écrit Arundathy Roy, Si vous transformez tout en climatiseurs, en pommes frites, en voitures, à un moment vous n'aurez plus rien. L'état stationnaire et la croissance zéro sembleraient des réponses de bons sens pour remédier à cette situation. De fait, il s'agit de propositions de compromis déjà anciennes qui tentent de concilier la préservation de l'environnement avec les "acquis" de la domination économique. Le fait que toutes les sociétés humaines qui ont duré jusqu'au XVIIIème siècle ont fonctionné dans la reproduction soutenable semble conforter cette position. Toutefois, celle-ci sous-estime la démesure propre à notre système. En conséquence, on se prive des apports positifs en terme de bonheur collectif d'une décroissance conviviale et on ne renonce pour autant ni au mode de production, ni au mode de consommation, ni au style de vie engendrés par la croissance antérieure. On se résigne par raison à un immobilisme conservateur, mais sans remettre en cause les valeurs et les logiques du développementisme et de l'économisme. La décroissance est donc inéluctable. 2) Elle se heurte aux limites de la finitude de la biosphère. Une croissance infinie est incompatible avec une planète finie. Certes, la première loi de la thermodynamique nous apprend que rien ne se perd, rien ne se crée. Toutefois, l'extraordinaire processus de regénération spontanée de la biosphère, mème assisté par l'homme, ne peut aller à un rythme illimité. Il ne permet de toute faon pas de restituer à l'identique la totalité des produits dégradés par l'activité industrielle. Les processus de transformation de l'énergie ne sont pas réversibles (deuxième loi de la thermodynamique) et il en est en pratique de mème de la matière ; à la différence de l'énergie, celle-ci est recyclable, mais jamais intégralement. Ce phénomène qu'il a baptisé la "quatrième loi de la thermodynamique", est peut-ètre discutable en théorie pure, mais pas du point de vue de l'économie concrète. On ne sait pas coaguler les flux d'atomes dispersés dans le cosmos pour en faire de nouveaux gisements miniers exploitables, travail qui s'est accompli dans la nature en des milliards d'années d'évolution. Bref, le processus économique réel, à la différence du modèle théorique, n'est pas un processus purement mécanique et réversible, il est de nature entropique. Il se déroule dans une biosphère qui fonctionne dans un temps flèché. 3) Les progrès de l'ecoefficience se trouvent toujours dépassés par la logique de la croissance Pour concilier les deux impératifs contradictoires de la croissance et du respect de l'environnement, les experts pensent trouver la potion magique dans l'écoefficience, pièce centrale et à vrai dire seule base sérieuse du "développement durable". Il s'agit de réduire progressivement l'impact écologique et l'intensité du prélèvement des ressources naturelles pour atteindre un niveau compatible avec la capacité reconnue de charge de la planète. Les documents du World Business Counsil for Sustanable Developpement (WBSD) sur ce point sont édifiants. "La principale contribution du monde des affaires au développement durable, sur laquelle nous avons travaillé depuis une décennie, est l'éco-efficience, un terme que nous avons inventé en 1992. Le WBCSD définit l'éco-efficience comme étant "accomplie par la livraison de biens et de services à des prix concurrentiels qui satisfont les besoins humains et apportent une qualité de vie, tout en réduisant progressivement l'impact écologique et l'intensité du prélèvement des ressources naturelles pour atteindre un niveau compatible au minimum avec la capacité reconnue de charge de la planète". Que l'efficience écologique se soit accrue de manière notable est incontestable, mais dans le mème temps la perpétuation de la croissance forcenée, accrue par ces progrès, entra"ne une dégradation globale. L'expérience nous enseigne que les baisses d'impacts et de pollution par unité se trouvent systèmatiquement anéanties par la multiplication du nombre d'unités vendues (effet rebond). La "nouvelle économie" est certes relativement immatérielle ou moins matérielle, mais elle remplace moins l'ancienne qu'elle ne la complète. Au final, tous les indices montrent que les prélèvements continuent de cro"tre. 4) La substituabilité de l'artefact à la nature est restreinte. Il faut toute la foi des économistes orthodoxes pour penser que la science de l'avenir résoudra tous les problèmes et que la substituabilité illimitée de la nature par l'artifice est concevable. Dans certaines limites, il loisible de remplacer l'homme par la machine (c'est-à-dire le facteur travail par le facteur capital), mais pas les flux de matières premières (inputs) par une augmentation des stocks. Comme le remarque Mauro Bona•uti, on ne pourra jamais obtenir le mème nombre de pizza en diminuant toujours la quantité de farine mais en augmentant le nombre de fours ou de cuisiniers. Plus généralement, avoir une foi aveugle dans la science et dans l'avenir pour résoudre les problèmes du présent est non seulement contraire au principe de précaution, mais tout simplement au bon sens. Mème si on peut espérer capter de nouvelles énergies, serait-il raisonnable de construire des "gratte-ciel sans escaliers ni ascenseurs sur la base de la seule espérance qu'un jour nous triompherons de la loi de la gravité ? ". C'est pourtant ce que nous faisons avec le nucléaire, accumulant des déchets potentiellement dangereux pour les siècles à venir sans solution en perspective. Ainsi, pour toutes ces raisons, la société de croissance est insoutenable et condamnée à terme plus ou moins rapproché à dispara"tre. B. Elle n'est pas non plus souhaitable. Toutefois, si on suit Ivan Illich, la disparition programmée de la société de croissance n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. "La bonne nouvelle est que ce n'est pas d'abord pour éviter les effets secondaires négatifs d'une chose qui serait bonne en soi qu'il nous faut renoncer à notre mode de vie - comme si nous avions à arbritrer entre le plaisir d'un mets exquis et les risques afférents. Non, c'est que le mets est intrinséquement mauvais, et que nous serions bien plus heureux à nous détourner de lui. Vivre autrement pour vivre mieux". La société de croissance n'est pas souhaitable pour au moins trois raisons : elle engendre une montée des inégalités et des injustices, elle crée un bien-ètre largement illusoire, elle ne suscite pas pour les "nantis" eux-mèmes une société conviviale mais une anti-société malade de sa richesse. 1) - Elle engendre une montée des inégalités et des injustices Pour les inégalités, la polarisation des situations a toujours été vérifiée au niveau planétaire et depuis la fin des trente glorieuses cela se vérifie aussi au niveau de chaque pays, mème au Nord. Entre 1972 et 1992, par exemple, le nombre des emprisonnements a doublé, passant de 44 pour 100 000 habitants à 88, environ. Comme le souligne Majid Rahnema : "Ce n'est pas en augmentant la puissance de la machine à créer des biens et des produits matériels que ce scandale (de la misère et de l'indigence) prendra fin, car la machine mise en action à cet effet est la mème qui fabrique systèmatiquement la misère". Quand au développement des injustices, il est non seulement dans la nature mème du système capitaliste, mais de toute société de croissance. Une société qui n'est plus en mesure de permettre à la plupart de ses membres de gagner leur vie par un travail honnète mais les condamne pour survivre à accepter d'agir contre leur conscience et à se rendre complice de la banalité du mal est profondément en crise. Il en est pourtant bien ainsi de notre modernité tardive, depuis les pècheurs qui ne peuvent s'en tirer qu'en massacrant les fonds marins, des éleveurs qui torturent leurs bètes, des exploitants agricoles qui détruisent le sol nourriciers, des cadres dynamiques devenus des "tueurs", etc. 2) - Elle crée un bien-ètre largement illusoire On rencontre là le paradoxe écologique de la croissance. L'obsession du PNB fait que l'on compte comme positives toute production et toute dépense - y compris celle qui est nuisible, et celle que cette dernière rend nécessaire pour en neutraliser les effets. ÇOn considère toute activité rémunérée, note Jacques Ellul, comme une valeur ajoutée, génératrice de bien-ètre, alors que l'investissement dans l'industrie antipollution n'augmente en rien le bien-ètre, au mieux il permet de le conserver. Sans doute arrive-t-il parfois que l'accroissement de valeur à déduire soit supérieur à l'accroissement de valeur ajoutéeÈ. Pour Hervé René Martin, cela ne fait pas de doute. "La vérité commande pourtant de dire, écrit-il, que la désorganisation sociale et environnementale provoquée par le système de production industriel (matières plastiques en tète) et les modes de vie qu'il induit, tuent infiniment plus de personnes que les filtres et les prothèses en plastique ne pourront jamais en sauver". Il est de plus en plus probable qu'au delà d'un certain seuil, la croissance du PNB traduit une diminution du bien-ètre. Ainsi, les ƒtats Unis ont dépensé en 1991, 115 milliards de dollars, soit 2,1% du PNB pour la protection de l'environnement et ce n'est pas fini. Le nouveau clean air act va accro"tre ce coét, estime-t-on, de 45 à 55 milliards de dollars par an. Certes, les évaluations du coét de la pollution ou du prix de revient de la dépollution sont éminemment délicates, problématiques et, bien sér, controversées (voir les débats à la réunion du G7 à Naples sur la facture de Tchernobyl). On a calculé que l'effet de serre pourrait coéter entre 600 et l000 milliards de dollars par an dans les années à venir, soit entre 3 et 5% du P.N.B. mondial. Le World resources institute, de son coté, a tenté des évaluations de la réduction du taux de croissance en cas de prise en compte des ponctions sur le capital naturel dans l'optique du développement durable. Pour l'Indonésie, il a ainsi ramené le taux de croissance entre l97l et l984 de 7,l à 4 % en moyenne annuelle, et cela en intégrant seulement trois éléments : la destruction des forèts, les prélèvements sur les réserves de pétrole et de gaz naturel, et l'érosion du sol. L'économiste allemand W. Schultz a calculé à partir d'un inventaire non exhaustif des pollutions, que la prise en compte des dommages causés à la R. F. A., en l985 équivaudrait à 6% du P. I. B. Peut-on assurer que l'on a pour autant compensé toutes les pertes du Çcapital naturelÈ ? Les indices triomphalistes de croissance de la productivité qui démontreraient de manière irréfutable le progrès du bien-ètre résultent souvent d'artifices comptables. Certes notre nourriture, gr‰ce au productivisme de l'agriculture, incorpore cent fois moins de travail direct que celle de nos grand-parents, et nos précieuses voitures automobiles vingt fois moins que celles de parents, mais un bilan complet intégrant les coéts complets du système agro-alimentaire ou du sytème automobile ferait appara"tre des résultats moins reluisants. La prise en compte pour l'agro-alimentaire de la multiplication des emplois annexes (conseillers, chercheurs, conservation-transformation, agro-chimie, agro-biologie etc.) réduirait considérablement la fameuse productivité. Il y a 50 ans, les agriculteurs recevaient entre 45 et 60% de ce que les consommateurs dépensaient pour leur nourriture, aujourd'hui ce ne sont que 18 % en France et 7% au Royaume-Uni, voire 3,5% aux Etats-Unis. La différence finance les activités annexes. Résultat, le consommateur ne s'aperoit pas d'une baisse absolue du prix des produits alimentaires, en revanche la qualité laisse beaucoup à désirer. Par ailleurs, l'intégration des domages collatéraux (prélèvement d'eau, pollution des nappes fréatiques, pollution des fleuves et des océans, vaches folles et autres fièvres porcines) amènerait sans doute à conclure à une contreproductivité comparable à celle qu'Ivan Illich mettait naguère en évidence pour la voiture. Dans ces conditions, l'élévation du niveau de vie dont pensent bénéficier la plupart des citoyens du Nord est de plus en plus une illusion. Ils dépensent certes plus en terme d'achat de biens et services marchands mais ils oublient d'en déduire l'élévation supérieure des coùts. Celle-ci prend des formes diverses marchandes et non marchandes : dégradation de la qualité de vie non quantifiée mais subie (air, eau, environnement), dépenses de "compensation" et de réparation (médicaments, transports, loisirs) rendues nécessaires par la vie moderne, élévation des prix des denrées raréfiées (eau en bouteilles, énergie, espaces verts...). Herman Daly et C. Cobb ont mis sur pied un indice synthètique, le Genuine Progress Indicator (Indicateur de progrès authentique) qui corrige ainsi le Gross National Product (Produit intérieur brut) des pertes dées à la pollution et à la dégradation de l'environnement. Il résulte de leur calcul qu'à partir des années 1970, pour les Etats-Unis, l'indice du progrès authentique stagne et mème régresse, tandis que celui du produit intérieur brut ne cesse d'augmenter. Il est regrettable que personne en France ne se soit encore chargé de faire les calculs. On a toutes les raisons de penser que le résultat serait comparable. Autant dire que dans ces conditions, la croissance est un mythe mème à l'intérieur de l'imaginaire de l'économie de bien-ètre, sinon de la société de consommation! 3) - Elle ne suscite pas pour les "nantis" eux-mèmes une société conviviale mais une anti-société malade de sa richesse. Jean Baptiste Say posait en loi que le bonheur est proportionnel au volume de la consommation. Il s'agit là de l'imposture économiste et moderniste par excellence qui trouve ses fondements déjà chez Hobbes. Hobbes annonce, en effet, avec délectation cette ubris, cette démesure propre à l'homme occidental. "La félicité de cette vie, écrit-il, ne consiste pas dans le repos d'un esprit satisfait. Car n'existent en réalité ni ce finis ultimus (ou but dernier) ni ce summum bonum (ou bien suprème) dont il est question dans les ouvrages des anciens moralistes (...) la félicité est une continuelle marche en avant du désir d'un objet à un autre, la saisie du premier n'étant encore que la route qui mène au second. (...) Ainsi, je mets au premier rang, à titre d'inclination générale de toute l'humanité, un désir perpétuel et sans trève d'acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu'à la mort". Durkheim dénonait déjà ce présupposé utilitariste du bonheur comme somme de plaisirs liés à la consommation égo•ste. Un tel bonheur pour lui n'est pas loin de mener à l'anomie et au suicide. En fait, à y regarder de près, la richesse a un caractère bien plus pathologique que la pauvreté. L'extrème richesse constitue le fléaut principal de la société moderne. Plut™t que de l'accro"tre encore en prétendant porter remède à la pauvreté, il faudrait s'y attaquer comme à une maladie dangereuse masquée par l'imaginaire institué de la croissance. Majid Rahnema note avec pertinence : "La misère morale des riches et des puissants - sujet tabou dans la littérature spécialisée sur la pauvreté - a curieusement plus attiré l'attention des romanciers, des poètes et, bien entendu, des pauvres eux-mèmes, que celle des sociologues et des économistes qui la considèrent comme hors sujet. L'étude profonde des véritables causes de la misère pourrait bien, pourtant, montrer qu'elle est bien au coeur - sinon le coeur - du sujet". Il poursuit : "La misère morale des nantis, "habillée" de ses plus beaux atours et donc bien moins visible de l'extérieur, est paradoxalement plus pernicieuse que celle qui frappe les indigents : à l'obsession proprement pathologique du plus-avoir, au désir incessant d'accumuler pour soi et de retirer aux autres pour le seul plaisir d'exercer sur eux un pouvoir s'ajoutent des facteurs extérieurs tels que les nombreux critères de réussite sociale, l'impitoyable dynamique de la compétition, la règle d'or du profit à tout prix ou la marchandisation de toutes les relations humaines". Il est remarquable que le langage moderne qui stigmatise le pauvre, "n'utilise jamais le mot manque quand il s'agit des riches et des puissants : aussi ne vient-il à l'idée de personne de définir certaines catégories de riches par un manque de clairvoyance, un manque de vertu ou de solidarité, un manque du sens de la justice sociale ou un manque de compassion". On a tenté de formaliser le bonheur. Celui-ci serait une fonction croissante du revenu monétaire et des biens relationnels. On remarque alors que la disponibilité en biens relationnels tend à diminuer quand le revenu augmente. Au delà d'un certain équilibre, la félicité tendrait à diminuer. L'économiste de Harvard et ancien ministre du travail de Bill Clinton, Robert Reich en fait une analyse lucide à partir de son expérience personnelle. "Le problème est que cet équilibre entre se gagner de quoi vivre et se gagner une vie plus équilibrée devient de plus en plus difficile à atteindre parce que la logique de la nouvelle économie fait que l'on s'attache de plus en plus au travail et de moins en moins à la vie individuelle. (...) Nous tirons tous de grands avantages de la nouvelle économie (...) Nous jouissons des extraordinaires opportunités qu'elle nous offre en tant que consommateurs et, toujours plus comme investisseurs/spéculateurs. Nous poussons la nouvelle économie en avant. Et pourtant, il y a un "mais". Quelque merveilleuse que soit la nouvelle économie, nous sacrifions sur son autel des parts significatives de notre vie : des pans entiers de la vie de famille, de nos amitiés, de la vie collective, de nous-mèmes. Ces pertes vont de pair avec les bénéfices que nous en retirons. En un certain sens, ce sont les deux faces de la mème médaille". Le bonheur promis se traduit par une accumulation frénétique de consommation avec croissance du stress, de l'insomnie, de maladies de toutes sortes (cancers, crises cardiaques, allergies diverses, obésité, cirrhoses du foie, diabète), de troubles psycho-somatiques. Les plus nantis sont condamnés à mourir, selon Hervé René Martin : "d'une effroyable tristesse de l'‰me" Certains "gavés" en arrivent mème au comble de la solitude et choisissent le suicide. Selon l'OCDE, au cours des 30 dernières années, les taux de suicide ont progressé en moyenne de 10 % dans les pays membres, tandis aux Etats-Unis la proportion des personnes seules est passée de 17% de l'ensemble des foyers à 26 %. Tout cela ne suffit malheureusement pas pour nous amener à quitter le bolide qui nous mène droit dans le mur et à s'embarquer dans la direction opposée. II Penser une société de "décroissance" sereine et conviviale Entendons-nous bien. La décroissance est une nécessité ; ce n'est pas au départ un idéal, ni l'unique objectif d'une société de l'après-développement et d'un autre monde possible. Mais faisons de nécéssité vertu, et concevons, pour les sociétés du Nord, la décroissance comme un objectif dont on peut tirer des avantages. Le mot d'ordre de décroissance a surtout pour objet de marquer fortement l'abandon de l'objectif insensé de la croissance pour la croissance, objectif dont le moteur n'est autre que la recherche effrénée du profit par les détenteurs du capital. Bien évidemment, il ne vise pas au renversement caricatural qui consisterait à pr™ner la décroissance pour la décroissance. En particulier, la décroissance n'est pas la croissance négative, expression antinomique et absurde qui traduit bien la domination de l'imaginaire de la croissance. On sait que le simple ralentissement de la croissance plonge nos sociétés dans le désarroi en raison du ch™mage et de l'abandon des programmes sociaux, culturels et environnementaux qui assurent un minimum de qualité de vie. On peut imaginer quelle catastrophe serait un taux de croissance négatif ! De mème qu'il n'y a rien de pire qu'une société travailliste sans travail, il n'y a rien de pire qu'une société de croissance sans croissance. C'est ce qui condamne la gauche institutionnelle, faute d'oser la décolonisation de l'imaginaire, au social-libéralisme. La décroissance n'est donc envisageable que dans une "société de décroissance". Il convient donc de préciser les contours de ce que pourrait ètre une société de "décroissance". Celle-ci suppose une diminution drastique des externalités négatives de la croissance et repose sur l'organisation de cercles vertueux de décroissance. A Diminuer, voire supprimer, les externalités négatives de la croissance. Une politique de décroissance pourrait consister d'abord à réduire voire supprimer les externalités négatives de la croissance, cela va des dépenses de publicité à celles des médicaments contre le stress. La remise en question du volume considérable des déplacements d'hommes et de marchandises sur la planète avec l'impact négatif correspondant sur l'environnement (donc une "relocalisation" de l'économie), celle non moins considérable de la publicité tapageuse et souvent néfaste, celle enfin de l'obsolescence accélérée des produits et des appareils jetables sans autre justification que de faire tourner toujours plus vite la mégamachine infernale constituent des réserves importantes de décroissance dans la consommation matérielle. Avec 14 milliards d'euros en l'an 2000, la débauche publicitaire en France a franchi pour la première fois le cap symbolique du 1% du PNB. Mais selon certaines évaluations ce chiffre devrait ètre revu en hausse et atteindrait 45 milliards d'Euros, soit l'équivalent de toute l'aide des pays de l'OCDE aux pays du Sud. Dans le monde, selon le PNUD, elles représenteraient dix fois le montant des sommes nécessaires pour éradiquer la faim, permettre l'accès à l'eau potable pour tous les humains, les loger décemment et combattre les grandes épidémies. Les dépenses de publicité concernant la télévision, la radio et la presse auraient été de 332,103 milliards de dollars dans le monde, en augmentation de 10,8 % par rapport à 1999, soit quatre fois plus que le taux de croissance moyen du PIB. Mais depuis 1999 viennent s'ajouter les investissements publicitaires sur internet en croissance vertigineuse surtout pour l'Amérique du Nord. Les pays émergents de leur coté entendent rattraper leur retard (1000 % pour la Chine de 99 à 2000 !). Les accidents de la route représentaient un coét direct de 120 milliards de francs et un coét indirect triple. Les effets sur la santé induits par la pollution atmosphèrique sont évalués à 170 milliards de francs. Selon les services de l'OMC, à l'horizon 2010, le marché de la dépollution dont la croissance est de 8 % par an et dont l'objectif est de rendre supportable les dég‰ts de la croissance, représenterait 640 milliards de dollars sans inclure l'eau qui représenterait à elle seule 400 milliards de dollars supplémentaires. En outre, selon une étude du BIT, les coéts engendrés par le stress représenteraient 3% du PIB dans les pays développés. On peut multiplier les signes de "gaspillage". les dépenses faites dans les pays occidentaux pour les cures amégrissantes, nous rappelle Carla Ravaioli, suffiraient largement à nourrir tous les affamés de la planète, celles pour la nourriture des animaux domestiques couvriraient les frais d'instruction de base et celles pour des parfums la santé obstétricale de toutes les femmes. "Les Etats-Unis à eux-seuls dépensent en cosmétique plus que ce qui serait nécessaire pour assurer l'eau potable à tous ceux qui en sont privés". Le marché occidental des parfums représenterait 13 milliards de dollars annuels (Barnard). Il y a donc d'importantes "réserves" de décroissance qui en théorie ne touchent pas notre niveau ni notre mode de consommation. Tout cela sans parler des réductions possibles des dépenses militaires. En 2001, elles atteignent 839 milliards de Dollars et depuis le 11 septembre elles augmentent de faon vertigineuse. Comme on sait, les ventes d'armes se portent bien. Les seules atteintes à notre niveau de vie de la plupart des réductions de nos prélèvements sur la biosphère ne peuvent donc ètre qu'un mieux ètre. "Une personne heureuse, note Hervé Martin, ne consomme pas d'antidépresseurs, ne consulte pas de psychiatres, ne tente pas de se suicider, ne casse pas les vitrines des magasins, n'achète pas à longueur de journées des objets aussi coéteux qu'inutiles, bref, ne participe que très faiblement à l'activité économique de la société". La décroissance peut rendre la vie plus agréable. Il est mème possible de concevoir cette décroissance-là avec la poursuite, jusqu'à un certain point, de la croissance fétiche d'un revenu calculé de faon plus judicieuse. Le Genuine Progress Indicator (Indicateur de progrès authentique) de Herman Daly et C. Cobb évoqué précédemment augmenterait tandis que le PIB diminuerait. Autant dire que dans ces conditions, la croissance est un mythe ! Toutefois, l'important ce sont bien sér les changements en profondeur de nos valeurs et de nos modes de vie, accordant plus d'importance aux "biens relationnels" et bouleversant nos systèmes de production et de pouvoir. Alors, il y a fort à parier que l'indice de bonheur par tète de Robert Reich augmenterait lui aussi ! B Les cercles vertueux d'une société de décroissance. En 1848, Marx pensait que les temps étaient venus pour la révolution sociale et que le système était mér pour le passage à la société communiste d'abondance. L'incroyable surproduction matérielle de cotonnades et de biens manufacturés lui semblait plus que suffisante, une fois aboli le monopole du capital, pour nourrir, loger et vètir correctement la population (au moins occidentale). Et pourtant, la "richesse" matérielle était infiniment moins grande qu'aujourd'hui (le PIB s'est considérablement multiplié depuis) il n'y avait ni voitures, ni avions, ni plastique, ni machines à laver, ni frigidaire, ni ordinateur, ni les biotechnologies, non plus que les pesticides, les engrais chimiques et l'énergie atomique ! Toutefois, n'est-ce pas précisément cette absence mème qui rendait l'utopie accessible ? En dépit des bouleversements innouis de l'industrialisation, les besoins restaient encore modestes et leur satisfaction possible. Le bonheur, quant à sa base matérielle, semblait à portée de la main. Dans son livre "L'économie Barbare", écrit en 1994, Philippe Saint Marc fait un constat comparable, à une autre échelle. L'objectif du bien-ètre collectif se serait considérablement éloigné en trente ans et les indices des années 60 dessinent une société infiniment plus "heureuse". Ainsi comprise, la décroissance ne signifie pas nécessairement une régression de bien-ètre. La plupart des sagesses considéraient que le bonheur se réalisait dans la satisfaction d'un nombre judicieusement limité de besoins. L'évolution et la croissance lente des sociétés anciennes s'intégraient dans une reproduction élargie bien tempérée, toujours adaptée aux contraintes naturelles. "C'est parce que la société vernaculaire a adapté son mode de vie à son environnement, conclut ƒdouard Goldsmith : qu'elle est durable, et parce que la société industrielle s'est au contraire efforcée d'adapter son environnement à son mode de vie qu'elle ne peut espérer survivre". Aménager la décroissance signifie, en d'autres termes renoncer à l'imaginaire économique c'est-à-dire à la croyance que plus égale mieux. Le bien et le bonheur peuvent s'accomplir à moindre frais. Redécouvrir la vraie richesse dans l'épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde sain peut se réaliser avec sérénité dans la frugalité, la sobriété voire une certaine austérité dans la consommation matérielle, bref, ce que certains ont préconnisé sous le slogan gandhien ou tolsto•en de "simplicité volontaire". Encore qu'il ne faut pas se méprendre sur ces "restrictions", si l'ascèse est estimable, il ne s'agit pas de la préconiser et encore moins de l'imposer. Quoiqu'il en soit, on ne peut éviter la question posée par Majid Rahnema : "Dans quelle mesure chacun de nous est-il prèt à résister, dans sa vie quotidienne, à la colonisation des besoins socialement fabriqués ?". Pour concevoir la société de décroissance sereine et y accéder, il faut littéralement sortir de l'économie. Cela signifie remettre en cause la domination de l'économie sur le reste de la vie en théorie et en pratique, mais surtout dans nos tètes. Cela doit certainement entra"ner une aufhebŸng (renonciation, abolition et dépassement) de la propriété privée des moyens de production et de l'accumulation illimitée de capital. Toutefois, cette transformation ne passe probablement pas par des nationalisations et une planification centralisée dont l'expérience de l'Union Soviétique a montré les résultats décevants et les effets désastreux. Sortir de l'économie doit encore aboutir par conséquent à un abandon du développement puisque ses mythes fondateurs, en particulier, la croyance au progrès, auraient disparu. L'économie entrerait simultanément en décroissance et en dépérissement. La construction d'une société moins injuste serait à la fois la réintroduction de la convivialité, d'une consommation plus limitée quantitativement et plus exigeante qualitativement. Cela suppose une toute autre organisation dans laquelle le loisir est valorisé à la place du travail, où les relations sociales priment sur la production et la consommation de produits jetables inutiles voire nuisibles. Une réduction féroce du temps de travail imposé pour assurer à tous un emploi satisfaisant est une condition prealable. En 1981 déjà, Jacques Ellul, l'un des premiers penseurs d'une société de décroissance, fixait comme objectif pour le travail, pas plus de deux heures par Jour. On peut avec Osvaldo Pieroni, s'inspirant de la charte "consommations et styles de vie" proposée au Forum des ONG de Rio, synthétiser tout cela dans un programme en sept "R" : Réévaluer, Restructurer, Relocaliser, Redistribuer, Réduire, Réutiliser, Recycler. Ces sept objectifs interdépendants enclenclent un cercle vertueux de décroissance sereine, conviviale et soutenable. Réévaluer, cela signifie revoir les valeurs auquelles nous croyons et sur lesquelles nous organisons notre vie et changer celles qui doivent l'ètre. On voit tout de suite quelles sont les valeurs qu'ils faut mettre en avant et qui devraient prendre le dessus par rapport aux valeurs dominantes actuelles. L'altruisme devraient prendre le pas sur l'égo•sme, la coopération sur la compétition éffrénée, le plaisir du loisir sur l'obsession du travail, l'importance de la vie sociale sur la consommation illimitée, le goùt de la bel ouvrage sur l'efficience productiviste, le raisonnable sur le rationnel, etc. Le problème c'est que les valeurs actuelles sont systémiques. Cela signifie qu'elles sont suscitées et stimulées par le système et qu'en retour, elles contribuent à le renforcer. Certes, le choix d'une éthique personnelle différente, comme la simplicité volontaire, peut infléchir la tendance et n'est pas à négliger. Il doit mème ètre encouragé dans la mesure où il contribue à saper les bases imaginaires du système, mais sans une remise en cause radicale de celui-ci la Réévaluation risque d'ètre limitée. Il s'agirait par une véritable révolution culturelle de renouer en quelque sorte avec l'abondance de perdue des sociétés primitives dont nous rappelle Baudrillard, après Salhins et bien d'autres, "la richesse n'est pas fondée dans les biens, mais dans l'échange concret entre les personnes. Elle est donc illimitée". Restructurer, cela signifie adapter l'appareil de production et les rapports sociaux en fonction du changement des valeurs. Cette restructuration sera d'autant plus radicale que le caractère systèmique des valeurs dominantes aura été ébranlé. C'est l'orientation vers une société de décroissance qui est ici en question. Relocaliser, signifie bien sér produire localement pour l'esentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d'entreprises locales financées par l'épargne collectée localement. Ne faudrait-il pas adopter le "principe de subsidiarité du travail et de la production" formulé par Yvonne et Michel Lefèbvre, c'est-à-dire le principe de la priorité à l'échelon décentralisé?" Toute production pouvant se faire à l'échelle locale pour des besoins locaux doit ètre réalisée localement. Ceci entra"nera : toute prise de décision économique pouvant ètre prise à l'échelle locale doit ètre prise localement". Un tel principe repose sur le bon sens et non sur la rationalité économique. "Qu'importe de gagner quelques francs, précisent les auteurs, sur un objet quand il faut contribuer de plusieurs milliers de francs, par des charges diverses, à la survie d'une fraction de la population qui ne peut plus, justement participer à la production de l'objet". Si les idées doivent ignorer les frontières, les mouvements de marchandises et de capitaux doivent ètre réduits à l'indispensable. En internalisant les coùts ex ternes du transport (infrastructure, pollution dont effet de serre et dérèglement climatique) on relocaliserait un grand nombre d'activités. Pour sér le fameux petit pot de yoghourt aux fraises n'incorpererait plus 8000 km! Redistribuer s'entend de la répartition des richesses et de l'accès au patrimoine naturel. Réduire veut dire réduire les horaires de travail, comme on l'a vu, mais aussi diminuer l'impact sur la biosphère de nos modes de produire et de consommer. Comme le dit Hubert Reeves : "Il ne s'agit pas de retourner à l'‰ge de pierre et de s'éclairer à la chandelle. On estime que la puissance énergétique nécessaire pour une vie humaine "convenable" (chaleur, propreté, transport, produits manufacturés) équivaut à celle dégagée par un modeste radiateur allumé en permanence (soit 1 kilowatt). Aujourd'hui l'Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis) en utilise douze fois plus et l'Europe de l'Ouest cinq fois plus, tandis que le tiers de l'humanité est bien en dessous de cette norme. C'est cette surconsommation qu'il serait nécessaire de réduire pour allèger les contraintes énergétiques qui pèseront de plus en plus lourdement sur notre avenir et pour arriver à un partage plus égal du bien-ètre mondial". Pour ce faire réutiliser au lieu de jeter les appareils et les biens d'usage et bien sér recycler les déchets incompressibles de notre activité. Ainsi, on peut estimer à plus de 10 000 arbres par an, le gaspillage épargné en France par ce que les compagnons d'EmmaŸs prennent la peine de récolter, de trier, de conditionner de papiers et cartons qui sans cela pourriraient ou bruleraient et pollueraient. Conclusion : Vaste et utopique programme, dira-t-on ? La transition est-elle possible sans révolution violente ou plus exactement la révolution mentale nécessaire peut-elle se faire sans violence sociale ? Comment passer de la société actuelle de croissance/développement à une société de décroissance? Ce passage peut-il ètre serein, convivial et soutenable ? Il est impossible de répondre. Notre système repose sur la production de valeurs d'échange à travers le marché généralisé engendrant profits pour les capitalistes, exploitation pour les travailleurs du Nord et du Sud et destruction de la nature. La limitation drastique des atteintes à l'environnement et donc de la production de valeurs d'échanges incorporés dans des supports matériels physiques n'implique pas nécessairement une limitation de la production de valeurs d'usage à travers des produits immatériels. Ceux-ci, au moins pour partie, peuvent conserver une forme marchande. Toutefois, si le marché et le profit peuvent persister comme incitateurs, ils ne peuvent plus ètre les fondements du système. On peut concevoir des mesures progressives constituant des étapes, mais il est impossible de dire si elles seront acceptées passivement par les "privilégiés" qui en seraient victimes, ni par les actuelles victimes du système présent qui sont mentalement ou physiquement droguées par lui. La réappropriation de la monnaie et le retour conscient et systèmatique à la monnaie fondante (plus ou moins bien réalisé par l'inflation pendant les trente glorieuses), permettrait de recommencer "l'euthanasie des rentiers" tandis que la taxation des transactions financières limiterait considérablement la spéculation et affaiblirait le capitalisme financier et criminel, sans renoncer pour autant à la logique marchande. Une incitation très forte à la demande serait engendrée facilitant les reconversions vers la production, éventuellement lucrative, de biens relationnels. La démarchandisation nécessaire du travail, de la terre et de la culture ne porterait pas atteinte à l'existence de marchés, mais nous éloignerait du spectre d'une société de Marché. Tout cela combiné à l'encouragement de formes alternatives d'organisation collective contribuerait au réench‰ssement de l'économique dans le social. Cette marche vers une société de décroissance devrait ètre organisée non seulement pour préserver l'environnement mais aussi et peut-ètre surtout pour restaurer le minimum de justice sociale sans lequel la planète est condamnée à l'explosion. Cependant, l'inquiétante canicule 2003 a fait beaucoup plus que tous nos arguments pour convaincre de la nécessité de s'orienter vers une société de décroissance . Ainsi, pour réaliser la nécessaire décolonisation de l'imaginaire, on peut très largement compter sur la pédagogie des catastrophes. Pour en savoir plus : L'ouvrage emblèmatique de Nicholas Georgescu-Roegen, La décroissance, éditions Sang de la terre. La revue Silence (9 rue Dumenge, F69317 Lyon Cedex 04) en particulier le numéro 280. L'écologiste, 25 rue de Fécamp, 75012, Paris, N¡ 6 hiver 2001. Défaire le développement, refaire le monde, actes du colloque de la Ligne d'horizon à l'UNESCO, Parangon, 2002. Objectif décroissance, ouvrage collectif reprenant les principaux articles de la revue Silence et quelques contributions nouvelles, Parangon, 2003. Colloque La décroissance soutenable, H™tel de ville de Lyon, les 26-27 septembre 2003. organisée par l'Institut d'études économiques et sociales pour la décroissance soutenable, l'Institut pour la relocalisation de l'économie, l'association La ligne d'horizon, les revues Silence, l'Ecologiste, Casseurs de pub, Nature et Progrès, Le site de la ligne d'horizon : www.apres-developpement.org Entretien avec Jacques Ellul, Patrick Chastenet, La table ronde, 1994, p. 342. Le Monde du 16/2/2002. Le Monde du jeudi 19 juin 2003. Vandana Shiva, La guerre de l'eau. Parangon, 2003. Henry Teune, Growth, Londres, Sage Publications, 1988, p. 13. Takis Fotopoulos, Vers une démocratie générale. Seuil, Paris, 2002, p. 31. On trouvera une bibliographie exhaustives des rapports et livres parus sur le sujet depuis le fameux rapport du Club de Rome, dans Andrea Masullo, "Il pianeta di tutti. Vivere nei limiti perchè la terra abbia un futuro". EMI, Bologne, 1998. Gianfranco Bologna (Sous la direction de), Italia capace di futuro. WWF-EMI, Bologne, 2001, pp. 86-88. Vandana Shiva, Le terrorisme alimentaire. Comment les multinationales affament le tiers-monde. Fayard, 2001. p. 97. La quantité moyenne de C02 émise par chaque habitant de la planète est à ce jour de quatre tonne par an, répartie de la manière suivante : onze tonnes et demi pour le cinquième de la population mondiale vivant dans les pays industrialisés (avec une pointe de vingt tonnes et demi pour les Etats-Unis), contre deux tonnes pour les quatre-cinquième du reste de la planète (avec tout juste un dixième de tonne pour onze Etats, en majorité africains), voir Martin Hervé René, La fabrique du diable, La mondialisation racontée à ceux qui la subissent, deuxième partie, Climats, 2003, p. 131. F. Schneider cité par Hervé Martin, op. cit. p. 225. Arundathy Roy, ÇÊDéfaire le développement, sauver le climatÊÈ, in L'ƒcologiste, n¡6, Hiver 2001, p.7. "Nous pouvons recycler les monnaies métalliques usées, écrit Nicholas Georgescu-Roegen, mais non les molécules de cuivre dissipées par l'usage", In Mauro Bonaiuti, La teoria bioeconomica. La "nuova economia" di Nicholas Georgescu-Roegen. p. 140. De l'impossibilité qui s'ensuit d'une croissance illimitée ne résulte pas, selon lui, un programme de croissance nulle, mais celui d'une décroissance nécessaire. "Nous ne pouvons, écrit-il encore, produire des réfrigérateurs, des automobiles ou des avions à réaction "meilleurs et plus grands" sans produire aussi des déchets "meilleurs et plus grands" Op. cit. p. 63. The Business case for sustanable developpement. Document du World Business Counsil for Sustanable Developpement pour Johannesburg. "Sustainable development is best achieved through open, competitive, rightly framed international markets that honor legitimate comparative advantages. Such markets encourage efficiency and innovation, both necessities for sustainable human progress". "Le développement durable est réalisé au mieux gr‰ce une concurrence ouverte au sein de marchés correctement organisés qui respectent les avantages comparatifs legitimes. De tels marchés encouragent l'efficience et l'innovation qui sont toutes nécessaires à un progrès humain durable". "The basic business contribution to sustainable developpement, one we have worked on for a decade, is eco-efficiency, a term we invented in 1992. The WBCSD defines eco-efficiency as being "achieved by the delivery of competitively priced goods and services that satisfy human nedds and bring quality of life, while progressively reducing ecological impacts and resource intensity throughout the life cycle, to a level at least in line with the Earth's estimated carrying capacity". The Business case for sustanable developpement. Document du WBCSD pour Johannesburg. Mauro Bonaiuti, "Nicholas Georgescu-Roegen. Bioeconomia. Verso un'altra economia ecologicamente e socialmente sostenible". Bollati Boringhieri, Torino, 2003. En particulier, pp. 38-40. Bonaiuti Mauro, La "nuova economia" di Nicholas Georgescu-Roegen. ed. Carocci, Roma 2001, pp. 109 et 141. Jean-Pierre Dupuy, "Ivan Illich ou la bonne nouvelle", Le monde du 27/12/2002. Rahnema Majid, Quand la misère chasse la pauvreté, Fayard/Actes Sud, Paris 2003, p. 14. "Mème si l'économie de croissance est fille de la dynamique de marché, il ne faut pas confondre les deux concepts : on peut avoir une économie de croissance qui n'est pas une économie de marché, et c'est notamment le cas du "socialisme réel" Fotopoulos Takis, Vers une démocratie generale. Une démocratie directe, économique, écologique et sociale. Seuil, 2001. p.39 voir notre livre, Justice sans limites. Le défi de l'éthique dans une économie mondialisée", en particulier le chapitre IV, "La banalité économique du mal". Fayard, Paris 2003. Jacques Ellul, Le Bluff technologique, Hachette, Paris 1998, p. 76. Op. cit. p. 79. Chiffres donnés par le journal Le Monde du 22.11.9l. Hervé Kempf, L'économie à l'épreuve de l'écologie, Hatier, col. Profil, l99l, page 52. Alors qu'en 1951 il fallait 145 heures de travail environ pour construire une voiture, 98 suffisaient en 1979 et moins de 12 aujourd'hui... Nouvelles de Longoma•, N¡ 82, automne 2002, cité par Hervé Martin, op. cit. p. 142. "En dix ans les prix alimentaires en France (ce que paye le consommateur) ont augmenté de onze pour cent, tandis que les prix agricoles à la production (ce qui est payé au paysan) chutaient d'autant. Et il y en a encore qui osent prétendre que a profite au consommateur ! "Hervé Martin, op. cit. p. 25 Le goét, par exemple, n'arrive qu'au septième rang des critères de recherche sur les variétéss actuelles, après la productivité, le calibrage, la couleur, la conservation, etc. Ibid. p. 28 Une étude intitulée "Les coéts masqués de l'agriculture intensive" pour la Grande Bretagne nous apprend qu'"En 1996 les compagnies de distribution d'eau ont dépensé trois cent trente millions d'euros pour éliminer les pesticides, les nitrates et les agents pathogènes d'origine agricole contenus dans l'eau destinée à la boisson" cité par Martin Hervé René, La fabrique du diable, La mondialisation racontée à ceux qui la subissent, deuxième partie, Climats, 2003 , p. 25. . "Les cancers ont progresssé en 20 ans en France de 25 % pour les hommes, le plus répandu étant celui de la prostate, en augmentation très rapide dans tous les pays industrialisés, et de 20 % pour les femmes, avec un bond de 60% pour les cancers du sein : une femme sur dix le conna"tra (après la guerre une sur quarante) : si la probabilité pour un homme de contracter un cancer au cours de sa vie est désormais de 46,90 %, celle d'en mourir, gr‰ce au progrès de la médecine n'est que de 27,6 %" (Le Monde, 22 décembre 1998.) C. Cobb, T. Halstead, J. Rowe, The Genuine Progress Indicator : Summary of Data and methodology, Redefining Progress, San Francisco 1995 et des mèmes, If the GDP is Up, Why is America Down ? in Athlantic Monthly, N¡ 276, octobre 1995. Hobbes Léviathan chapitre XI. Sirey l971, pp. 95-96. Je dois à mon ami Alain Caillé d'avoir attiré mon attention sur cet important passage. Christian Laval, L'ambition sociologique. La découverte MAUSS, Paris 2002, pp. 255 et ss. Majid Rahnema, op. cit, p. 231. Majid Rahnema, op. cit, p. 134. Robert Reich, L'infelicita' del successo, Roma, Fazi 2001, pp. 18-21. Cité par Luigino Bruni, L'economia e i paradossi della felicita' p. 242, in Pier Luigi Sacco e Stefano Zamagni (a cura di) Complessita' relazionale e comportamento economico. Il Mulino, Bologna 2002. Martin Hervé René, La fabrique du diable, La mondialisation racontée à ceux qui la subissent, deuxième partie, Climats, 2003. p. 20 En ce qui concerne les sociétés du Sud, cet objectif n'est pas vraiment à l'ordre du jour, en ce sens que mème si elles sont traversées par l'idéologie de la croissance, ce ne sont pas vraiment pour la plupart des "sociétés de croissance". Cela voudrait dire à la lettre : "avancer en reculant". L'impossibilité où nous nous sommes trouvés de traduire "décroissance" en anglais est très révélatrice de cette domination mentale de l'économisme, et symétrique en quelque sorte de celle de traduire croissance ou développement dans les langues africaines (mais aussi naturellement, décroissance...). Le terme utilisé par Nicholas Georgescu-Roegen, declining, ne rend pas vraiment ce que nous entendons par décroissance, non plus que decrease, proposé par certains. Les néologismes, ungrowth, degrowth, dedeveloppement, ne sont pas non plus très satisfaisants. Jean-Luc Porquet, Jacques Ellul l'homme qui avait presque tout prévu. Le cherche midi, Paris 2003. Patrick Viveret, rapport confidentiel, p. 25. Carla Ravaioli, Un mondo diverso è necessario, Editori riuniti, Roma 2002, p.25/26. Ibidem. Ibid, p. 63. Paolo Barnard, journaliste de la RAI, interview sur internet. Hervé René Martin, La mondialisation racontée à ceux qui la subissent, Climats, 1999. p. 15. Mauro Bona•uti, A la conquète des biens relationnels, Silence N¡ 280 "La décroissance", Lyon, février 2002. Ce ne serait pas pour autant du "développement", concept à proscrire qui n'a jamais été séparé de la croissance matérielle. "P. J. Hill (...) avance que le niveau de vie des Américains aux revenus les plus bas (20/ de la population) a augmenté en moins d'un siècle de 750 % et que leur "standard de vie" est plusieurs fois supérieur à celui de leurs ancètres les plus riches au début du siècle (20 % de la population)", "An Analysis of the Market Economy", cité par Majid Rahnema, p. 129. . Philippe Saint Marc, L'économie barbare, éditions Frison-Roche, Paris 1994. E. Goldsmith, Le défi du XXIème siècle, Le rocher, l994, p.330. On peut mème penser avec Bertrand Louard que "Remettre en question le "mode de vie" des nations industrielles, fondé sur un immense gaspillage, ne signifie pas non plus la promotion de la frugalité, de l'autérité ou d'une quelconque forme d'ascétisme". "Au contraire, poursuit-il, à travers la ma"trise de savoir-faire, c'est une autre forme de richesse qu'il y a à inventer ; une richesse qui ne se mesure pas à la quantité de marchandises consommées ou de signes échangés, mais plut™t une richesse de significations et d'expressions, qui reflètent autant qu'elles les construisent les rapports sociaux et les rapports des hommes avec la nature". Quelques éléments d'une critique de la société industrielle, Juin 2003, Bulletin critique des sciences, des technologies et de la société industrielle, 52 rue Damrémont, 75018 Paris, p. 28. Op. cit. p. 18. Il poursuit : "et à choisir des modes de vie basés sur l'archétype de la pauvreté ? ". Autolimitation serait plus appropriée. "La réduction drastique du temps de travail. Les 35 heures ? Non, c'est "complètement désuet". Le but à atteindre : deux heures par jour. Ellul s'inspire ici de deux ouvrages, le fameux Deux heures par jour, signé Adret, et La Révoution des temps choisis. Certes, reconna"t-il, cela n'est en rien facile ni sans risques : "Je sais très bien ce que l'on peut objecter : l'ennui, le vide, le développement de l'individualisme, l'éclatement des communautés naturelles, l'affaiblissement, la régression économique ou enfin la récupération du temps libre par la société marchande et l'industrie des loisirs qui fera du temps une nouvelle marchandise". (251) Mais s'il imagine facilement "ceux qui vivront collés à leur écran TV, ceux qui passeront leur vie au bistrot" ,etc., il se dit convaincu qu'ainsi "nous serons obligés de poser des questions fondamentales : celles du sens de la vie et d'une nouvelle culture, celle d'une organisation qui ne soit ni contraignante ni anarchique, l'ouverture d'un champ d'une nouvelle créativité... Je ne rève pas. Cela est possible. (...) L'homme a besoin de s'interesser à quelque chose et c'est de manque d'intérèt que nous crevons aujourd'hui". Avec du temps libre, et des possibilités d'expression multiples, "je sais que cet homme "en général" trouvera sa forme d'expression et la concrétisation de ses désirs. Ce ne sera peut-ètre pas beau, ce ne sera peut-ètre pas élevé ni efficace ; ce sera Lui. Ce que nous avons perdu". (253) Ellul "Changer de révolution" cité par Jean-Luc Porquet in "J. Ellul L'homme qui avait (presque) tout prévu" Ed. Le cherche mdidi, 2003 pp. 212/213. On pourrait allonger la liste des "R" avec : rééduquer, reconvertir, reféfinir, remodeler, repenser, etc. mais tous ces "R" sont plus ou moins inclus dans les six premiers. La société de consommation, Paris, Deno‘l, 1970, P 92. Yvonne Mignot-Lefebvre et Michel Lefebvre, Les patrimoines du futur, Les sociétés aux prises avec la mondialisation, L'Harmattan, Paris, l995. P. 235. Hubert Reeves, Mal de terre, Seuil, 2003, pp 68_69. Osvaldo Pieroni, Fuoco, Acqua, Terra e Aria, Lineamenti di una sociologia dell'ambiente. Carocci, Roma, 2002, p. 282. Cité par Fabrice Liegard, Travail et économie dans les communautés d'EmmaŸs, Rapport au ministère de la culture, Paris 2003. Sur cette distinction/opposition entre Marché (abstrait de la théorie économique) et marchés (concrets des places urbaines, lieux de rencontre) nous renvoyons au dernier chapitre de notre livre déjà cité "Justice sans limites". Ainsi les articles de Jean-Paul Besset, "Faire face à l'agression climatique" (Le monde du 2/08/2003) et de Corinne Lepage, "Ecologie : la révolution ou la mort (Le monde du 15/08/2003) sont de véritables appels à la décroissance. Ainsi les articles de Jean-Paul Besset, "Faire face à l'agression climatique" (Le monde du 2/08/2003) et de Corinne Lepage, "Ecologie : la révolution ou la mort (Le monde du 15/08/2003) sont de véritables appels à la décroissance. |
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